On entend beaucoup parler de la compagnie de l’agro-alimentaire Monsanto ces jours-ci. En effet, plus de 18 000 personnes ont entamé un recours collectif aux États-Unis, dans lequelle ils affirmaient que l’usage de l’herbicide RoundUp était la cause de leur cancer. De plus, la ville de Montréal a récemment affirmé qu’elle a l’intention de bannir cet herbicide complètement. Monsanto est regardé depuis plusieurs années comme un des vilains de la cause environnementale. L’impact de leurs produits ne s’arrête pas à la santé des agriculteurs américains, mais également à la santé des producteurs de coton et celle de notre environnement. Indirectement, Monsanto a un impact sur la façon dont on produit le matériel nécessaire à la production de vêtements et ce, autant pour la mode rapide que la mode de luxe.
À propos de Monsanto
Monsanto est une compagnie qui oeuvre dans le domaine de l’agro alimentaire. En 2017, elle était évaluée à 60 milliards de dollars américains. En 2018, cette compagnie a été achetée par le géant du pharmaceutique Bayers. La compagnie Bayers a aussi une fillière en agroalimentaire, Bayers CropScience. Le fusionnement de ces compagnies leur a permis d’atteindre une part d’environ 30% dans le domaine des graines génétiquement modifiées et des produits chimiques de contrôle comme les pesticides et les herbicides. Même si cette fusion est approuvée par le Département de la Justice des États-Unis et le Bureau de la Compétition du Canada, beaucoup d’agriculteurs sont inquiets du pouvoir que cela donnera à cette compagnie, en particulier les agriculteurs indépendants. En effet, suite aux différentes fusions ayant eu lieu dans le domaine de l’agro-alimentaire, il n’existe réellement que quatre compagnies qui détiennent 60% du marché. Ceci réduit les options s’offrant aux agriculteurs, autant en termes de produits qu’en termes de prix. Bien que les compagnies intéressées soutiennent que ces fusions vont permettre plus d’innovation dans le but d’aider ces agriculteurs, les données amassées par le Département de l’Agriculture américain montrent le contraire. En effet, les compagnies ayant subit une fusion vers la fin des années 90s investissaient moins d’argent en recherche et développement comparé à la taille de leur part de marché qu’avant les fusions.
À propos du RoundUp
Le RoundUp est un herbicide à base de glyphosate. Il s’agit de l’herbicide le plus utilisé au monde depuis 2016. Cet agent chimique est utilisé depuis 1974, mais il est de plus en plus controversé suite aux multiples poursuites intentées contre Monsanto à son sujet. En effet, on compte des milliers d’agriculteurs cherchant à obtenir une compensation pour leur lymphome non-hodgkinien (NHL), une forme de cancer des cellules blanches qui jouent un rôle important dans le système immunitaire. En 2015, une étude de l’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer (AIRC) a classifié le glyphosate comme “potentiellement carcinogène”. Par contre, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux et Santé Canada se basent sur leurs propres analystes pour juger des risques des produits qu’ils approuvent, et ceux-ci ont déterminé que l’herbicide ne pose pas de problème chez les humains. Il n’est pas rare que des études se contre disent, et dans le cas du RoundUp, la littérature est très divisée. Il est difficile de déterminer par étude épidémiologique une relation de cause à effet, on ne parle que de corrélation. Un consensus scientifique peut prendre des années à être atteint, comme il a été le cas pour la cigarette. Il est donc difficile de déterminer si oui ou non, le RoundUp pourrait être dangereux pour la population générale.
Monsanto et le coton
Le RoundUp n’est pas le seul produit fabriqué par Monsanto. En effet, une grande partie du coton qui est produit dans le monde est du Bt Cotton, une souche génétiquement modifiée par Monsanto, pour laquelle la compagnie a un brevet. Ceci crée des problèmes pour les agriculteurs, particulièrement pour le plus important producteur de coton, l’Inde où 90% du coton produit est du Bt Cotton. Cette souche a été modifiée afin que les plants de coton produisent une toxine qui s’attaque aux vers de la capsule du cotonnier, afin d’augmenter la production de ces plants de coton et diminuer l’usage de pesticides.
Le brevet que Monsanto possède sur cette variété de coton, associé à son quasi monopoly en Inde, lui permet de charger un prix élevé pour les graines. Monsanto vend aussi des licences à différents distributeurs en Inde, ce qui permet de vendre le même produit sous un nom différent et donner une impression de choix. Les graines de Bt Cotton coûtent ainsi 3 à 8 fois plus cher que des graines ordinaires. Avant l’introduction du Bt Cotton, les fermier gardaient leurs graines et pouvaient les replanter l’année suivante. Ce n’est pas possible avec des graines génétiquement modifiées hybrides, telles qu’utilisées en Inde, car celles-ci sont stériles. Il est quasi impossible de nos jours d’acheter des graines non-GM en Inde. On peut aussi se questionner sur l’avenir de la biodiversité du coton et de son effet sur l’environnement…
Bien que les premières années d’usage du Bt Cotton a amené les effets escomptés, à long terme l’inverse s’est produit. La production de coton de l’Inde augmente d’année en année, mais la quantité d’hectares exploités augmente aussi, il est donc difficile d’attribuer la croissance de la production à l’usage du Bt Cotton seulement. Certaines régions exploitant exclusivement le Bt Cotton ont enregistré des pertes jusqu’à 50% de leur production précédente. Tout ceci est encore plus problématique, du fait que les vers ont développé une résistance à la toxine produite par le Bt Cotton. De plus, la diminution de la population de vers de la capsule du cotonnier a permis à d’autres espèces d’insectes de se multiplier. Ainsi, non seulement les récoltes ne sont pas meilleures, mais on utilise autant sinon plus de pesticides qu’avant l’introduction du Bt Cotton en Inde. Finalement, l’exploitation du Bt Cotton en Inde a diminué la quantité de nutriments dans le sol, étant donné que cette souche demande jusqu’à 15% plus de nutriments qu’une souche non-GM. Ainsi, les agriculteurs doivent redoubler d’efforts en termes d’irrigation et de fertilisation.
Le prix des graines, des pesticides et de l’irrigation nécessaire à l’entretien des champs de Bt Cotton est de plus en plus élevé, et ceci pousse beaucoup de fermiers de coton en Inde à emprunter afin de pouvoir acheter les graines et autres équipement. Les prêts peuvent avoir des taux d’intérêts très élevés, et sont quasi impossible à payer lorsque la récolte n’est pas aussi bonne que promise. En 2015 seulement, environ 12 000 agriculteurs indiens se sont enlevé la vie suite à un endettement trop important.
Quoi faire?
Le problème de l’agriculture du coton en Inde n’est pas seulement un problème économique pour les agriculteurs. Il s’agit d’un problème éthique, dans lequel il convient de se demander quelle est la responsabilité du gouvernement et des compagnies de graines GM, mais aussi quelle est celle du consommateur. La raison pour laquelle les agriculteurs ont autant de pression à produire de plus en plus de coton est simple : la demande augmente d’année en année et le consommateur n’est pas prêt à payer plus cher pour ses vêtements.
Bien que le gouvernement indien tente de plafonner le prix des graines BT, cela ne règle en rien le problème à la base, soit que le BT-coton n’est tout simplement plus efficace pour augmenter la production de coton de l’Inde, ni pour aider les agriculteurs à payer leurs factures. Beaucoup demandent le recours aux graines indigènes, qui demandent moins d’eau et sont naturellement résistantes aux pestes locales. De plus, ce type de graines n’est pas breveté, ce qui permet aux agriculteurs de les réutiliser à chaque année et éviter un endettement certain. Il faudrait aussi apprendre aux agriculteurs à faire la rotation des cultures au lieu de cultiver le coton sur l’ensemble de leurs terres à longueur d’année afin de limiter l’appauvrissement du sol. Finalement, des installations pour filler et tisser le coton pourraient être mises en place afin de permettre à l’Inde d’exporter un produit raffiné au lieu d’une matière première, ce qui rapporterait encore plus d’argent au pays et à ses citoyens.
De notre côté, nous pouvons demander des diverses compagnies qui produisent et vendent des vêtements plus de transparence sur la provenance des matières premières. En effet, l’indication « fabriqué au » ne donne de l’information que sur la dernière étape de production du vêtement. On peut donc acheter un produit fabriqué au Canada, mais dont le tissu a été teint en Chine, tissé au Bangladesh et dont le coton a poussé en Inde…
Tant qu’il n’y aura pas d’indication quant à la provenance de la matière première sur tous les vêtements, la meilleure façon d’éviter d’encourager des pratiques d’agriculture nocives est de porter attention aux certifications sur les vêtements. Ainsi, la certification Global Organic Textile Standard (GOTS) permet au consommateur de s’assurer que toute la chaîne de production du vêtement a un impact éthique et environnemental minimum, de l’agriculture à la vente du produit, en passant par sa transformation. Il s’agit de la certification la plus stricte quant à la matière première d’un vêtement. Évidemment, acheter des vêtements en bamboo ou en chanvre évite de participer au débâcle qu’est l’agriculture du coton en Inde, mais ces fibres viennent avec leurs propres problèmes si elles ne sont pas certifiées.
Parmi les compagnies offrant des vêtements certifiés organiques, je vous recommande celles-ci :
La meilleure façon de réduire son impact environnemental lorsqu’on achète des vêtements est tout simplement d’en acheter moins, ou d’acheter des vêtements de seconde main! Consultez mon guide sur le magasinage en friperie pour plus d’informations!
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